Franck Cascales
Né en 1969 à Toulon
Nombreuses expositions en France et aux
États-Unis
Création de TOTEM (Groupe d’artistes)
Création du Supermarché de l’art
(SMAC Festival)
Depuis 30 ans, je suis à la recherche d’une
frontière floue et incertaine entre l’abstrait et
le figuratif à travers mon projet artistique.
Un « jardin » , un champ (chant) abstrait, un visage ? Un corps « hachuré » ?
Je connais Franck, et son travail, depuis quelques temps déjà ...
Au rythme des expositions, j’ai vu figures et masques apparaîtrent - s’effaçant
ensuite, recouverts, gommés, lacérés de graffitis, comme pour s’abstraire de la
matière - fantomatiques présences qui habitent sa peinture.
La toile de Franck, ce théâtre de gestation de formes, me rappelle ce mythe
grec retraçant la genèse du monde terrestre : Zeus, désirant s’unir à Cthonia, déesse
des puissances souterraines et occultes, tissa pour elle une robe où il avait brodé
le dessin des mers et des terres, la forme des continents. En habillant l’obscurité, il
donnait ainsi à voir l’invisible...
Car dessins de continents, presqu’îles en vues aériennes, paysages abstraits
baignant d’une violente lumière méditerranéenne, apparaissent sur ses toiles à
travers une double épaisseur : celle de la couche picturale, celle du bleu ciel, de la
« vedutta » du quattrocento, nous happant dans un espace coloré d’énergie vive.
Stratification verticale aussi, celle du rocher et du végétal, du paysage mental,
comme aurait pu le définir Michel Ragon, celle qui introduit le paysage par le détail
- ou à la manière du critique d’art Willy Baumeister: « la peinture dite abstraite n’est
pas abstraite dans le sens d’une rupture avec l’homme et la vie. Les sensations de
l’artiste sont tout à fait naturelles. Et aussi certaines formes naturelles comme les
surfaces de l’eau, les ondes et le sable, l’écorce d’arbre, les formations géologiques, les
branchages et tout ce qui est visible, en tant que structure ou modulations ... »
« Même si elles [les peintures] ont l’air d’avoir été faites d’un seul jet, le
mouvement a toujours croisé sa propre trace. » Comme chez P. Kirkeby, la peinture
de Franck Cascales procède par strates : le peintre révèle, comme à travers des bains
successifs, des espaces presque invisibles au début – coulées de peinture blanche sur
voile blanc ; traces d’eau éphémères à peine teintées de pigments. Sur cette plaque
sensible née du geste et du hasard viendra s’inscrire une première calligraphie
sibylline, puis d’autres sédimentations et éruptions, dépôts et effacements,
instantanés immobilisant la fluidité de la nature grâce à la fluidité de la couleur.
A mon avis si l’artiste « n’est absolument sûr de rien » comme il le dit parfois,
c’est pour mieux garder le regard ouvert à tout, original, originel : ses mondes
oscillent entre le blanc du phylactère, l’urgence du trait et des couleurs primaires,
brutales parfois, noirs et blancs inattendus, et le souffle lumineux et coloré,
l’exubérance d’un « Jardin ».
Hugues Besson